• C'était une de ces filles nées telles des erreurs du destin, promises aux spectres chronophages de l'Humanité, et cette erreur là se nommait Aelita.

    C'était une jeune fille grande, mince et aux longs cheveux blonds ondulés qui lui arrivaient à la poitrine, aux magnifiques yeux bleus pâles et à la peau si pâle qu'elle en semblait fantomatique. Hormis cela, Aelita jouait souvent du piano pendant son enfance, ayant appris seule avec le clavecin de sa défunte mère, elle jouait pendant des heures entières la même mélodie, la lettre à Élise, Élise, le prénom de sa mère. Son père Xavier, un petit homme fin aux cheveux noir corbeau l'observait en silence : c'était lui qui avait acheté ce piano à sa tendre et douce, dix années auparavant. Elle avait été si ravie, elle avait l'air si heureuse, et aujourd'hui était si lointaine.....

     

    Aelita se réveilla : "Cela fait dix ans maintenant." Sa mère était décédée le jour de son sixième anniversaire, le jour de l'équinoxe d'automne. Dix longues années s'étaient  écoulées, mais rien n'avait su effacer les ombres du passé. La jeune fille, dont le visage fin empli de tristesse avait des airs de sylphide grâce à l'aurore descendit les escaliers, et alla prendre son petit-déjeuner.

     

    Le même bouquet de chrysanthèmes était posé sur la table de ma cuisine, ainsi qu'une petite bougie violette. Aelita aperçu son père et sombra dans ses bras doux et se mit à pleurer.

     

    Xavier Skye observa sa fille : "Elle ressemble tellement à sa mère quand elle avait cet âge là... j'ai l'impression de me retrouver plongé dans les tréfonds du passé. Il faut que je sois fort. Il faut qu'Aelita soit forte également."

     

    "-Ma chérie, je comprends que ce jour doit être très dur pour toi mais nous devons être forts.

    -À quoi bon, soupira l'intéressée, je me sens si vide sans Maman ! J'ai l'impression que malgré tout, elle est là, elle nous entend, elle nous voit.. maman, je sais que tu peux entendre ce que je dis de là où tu es, tu dois savoir que je t'aime de tout mon cœur..

    -Aelita, ma chérie, ta mère ne peut plus t'entendre, tu le sais bien... le destin l'a rattrapée...

    -Papa, tu dis ça comme si elle n'avait jamais existé ! Je sais qu'elle est là, une mère ne peut pas abandonner ses enfants !

    -Mon amour, cela fait dix ans, aujourd'hui, tu dois t'y faire...

    -Papa, je ne peux pas !" 

     

    Le monde d'Aelita avait basculé le jour de ses six ans : elle était joyeuse, à l'époque, et, toujours aux côtés de sa mère, gambadait à droite et à gauche, découvrant un peu plus le monde qui l'entoure comme l'aurait fait n'importe quel enfant de son âge. Cette fois là, la mère et la fille, les amies de toujours, étaient parties en voiture fêter l'anniversaire d'Aelita chez ses grands-parents. Le destin avait alors finalement rattrapé sa mère, et, à cause d'un chauffard ivre, sa confidente était partie rejoindre les étoiles.

    On avait beau répéter à Aelita que c'était le chauffeur de l'autre voiture qui était en tort, elle s'imaginait elle responsable de la mort de sa mère.

    Cela faisait aujourd'hui trop longtemps qu'elle souffrait : combien de temps pourrait-elle encore tenir ? Il fallait que la Providence lui adresse un signe, et si, quelque part au dessus d'elle, quelqu'un la guidait, il devait lui indiquer le chemin, cela faisait trop de chemins à parcourir seule, trop d'errance, trop de soupirs, elle était assaillie de tout les côtes.

     

    Oui, Aelita Skye avait besoin de son ange gardien. Et, intérieurement, une étincelle s'alluma en elle : elle allait le trouver, cet être de lumière !

     

    Xavier se leva, et chuchota doucement à sa fille qu'une nouvelle journée s'annonçait : elle serait libre toute la matinée, et irait au lycée l'après-midi.

     

    Aelita se leva, avala rapidement un morceau de gâteau et se dirigea vers le piano, et une pour la énième fois, entona la lettre à Élise. Ses doigts se baladaient sur le clavier tels les mains de sa mère, si doux, si agiles, si... irrésistible, merveilleux.

     

    La jeune sylphide était gracieuse, à la lumière, et déversait sa peine immense dans ses touches. Son regard s'immobilisa un instant sur la fenêtre des voisins, où elle aurait juré que quelqu'un lui faisait signe. L'instant d'après, l'ombre avait disparu, sûrement une simple hallucination, elles devenaient si courantes, en ce moment.

    Aelita termina son morceau, sous le regard admiratif, comme à chaque fois, de son père. Elle commença alors à improviser une mélodie triste, donc l'entente brisait le cœur de son père : il entendait sa fille déverser sa peine, mais ne pouvait pas l'aider. Y a-il de pire torture que de voir un être proche souffrir sans pouvoir l'aider ?

     

    Soudainement, une pensée sembla s'animer dans l'esprit de la jeune fille : cette fois, elle en était convaincue, sa mère l'attendait quelque part, son amie n'avait pas pu disparaître comme cela. Il lui fallait le même rire, la même voix, le même écho de candeur qui résonnait lors des crépuscule d'autrefois. Aelita se leva, prépara, quelques affaires, embrassa son père et partit se réfugier au lycée, dans ce lieu où le souvenir du piano ne pourrait pas la faire sombrer. Il était dix heures. 

     

    Si la jeune fille avait pu voir la vérité, l'amour de l'univers entier se serait effondré.

    Aelita quitta la maison et se dirigea vers le lycée de sa ville : Merlimont. 

    Ce petit bâtiment se situe à proximité de la plage, dans le nord de la France. Il y avait de l'amour dans les yeux de la jeune fille lorsqu'elle pensait à sa ville, sa maison. Elle se remémorait souvent les promenades sur la plage avec sa mère. Elle arriva enfin au lycée, un grand bâtiment blanc aux design épuré conservant tout de même certains vestiges du passé : l'administration était une ancienne chapelle romane construite au XIIème siècle. C'est là-bas que ses parents s'étaient rencontrés et Aelita attachait une affection toute particulière au lieu. Elle y suivait cette année sa 1ère Littéraire où elle arborait fièrement le médaillon du passé, quand ses professeurs se rappelaient pour certains sa mère, quand ils l'observaient manipuler les mots, ils ne pouvaient jamais fixer leurs regards sur elle : Aelita remarquait tout de suite quand on la regardait, et se retournant, faisait voir ses yeux emplis de mélancolie, faisant partager, sans me vouloir, sa peine.

     

    Aelita est très en avance par rapport aux autres, mais restait modeste : elle ne faisait que ce qu'elle avait envie de faire, le reste, elle ne pensait qu'à sa mère et n'avait donc pas le temps de se vanter. Elle pratiquait également le piano grâce à la salle de musique de son lycée, mais ne ressentait pas la même sensation que sur le piano de sa mère, chez elle, elle vagabondait sur les touches aisément, et se sentait errante au lycée. Aelita ne savait pas jouer pour elle même, elle ne jouait que pour le souvenir de sa mère, teintant la salle entière de tristesse éperdue, et souvent, sa mélodie était si profonde que ses camarades ne pouvaient rester à côté d'elle lorsqu'elle jouait.

     

    La jeune fille entra finalement dans la salle de philosophie, une trentaine de secondes avant la sonnerie, et s'assit à sa place habituelle, au dernier rang. Elle salua son professeur et sortit une feuille. M. Marvin, l'enseignant, lui avait dit qu'aujourd'hui, les élèves devraient écrire un essai sur le bonheur. Bien évidemment, pas Aelita.

     

    Aelita n'écrirait pas sur le bonheur, plutôt sur la joie perdue. Son professeur avait beau donner des sujets qui amènent les élèves à réfléchir, la jeune fille, elle, ne réfléchirait pas : les mots viennent seuls, et la tristesse s'installe même au paradis.

    La cloche sonna et le professeur interrogea les élèves sur leurs perceptions du bonheur :

     

    "-Quentin, puis-je avoir votre avis ?

    -Eh bien, le bonheur, commença un garçon roux, c'est être soi-même, c'est être à sa place, non ?

    -Effectivement, et que pensez-vous de la recherche de ce même bonheur ?

    -Ne serait-ce pas la vie, ce long chemin ?

    -Peut-être, peut-être... et vous, Aelita ?" La classe dévisagea le professeur, puis la jeune fille.

    "-Le bonheur, entonna-elle comme si elle récitait un poème, c'est le chemin de la vie, c'est remettre en question ce qui n'a pas lieu d'être, c'est la joie perpétuelle, mais le bonheur n'existe pas. La vie est injuste, lâche, et sa seule occupation est de nous faire souffrir un peu plus chaque jour. Le bonheur c'est espérer, et j'espère qu'un jour le bonheur existera. La joie, c'est les fantômes du passé, les étoiles du futur, c'est se donner la main et être ensemble, continua-elle en affirmant désormais ses idées, et si vous voulez mon avis, il ne faut pas s'illusionner : nous sommes des paradoxes, des erreurs, et nous ne pouvons exister sans nous détruire. Tôt ou tard nous allons mourir, alors afin de pouvoir partir tranquillement, nous devons déverser notre souffrance. Toutes les lois de ce monde sont là pour nous rappeler que nous ne sommes que des imperfections.

    Je ne peux pas vous parler du bonheur parce que je ne connais pas réellement la signification. Je ne serai jamais jamais heureuse, je ne suis que l'écho retentissant du passé, celui dont l'unique but est de s'éteindre, je ne suis pas réelle, et je partirai, bientôt."

    Les élèves se mirent à prendre des notes, à mettre en commun leurs idées, à conjecturer.

    Sur ces derniers mots, la cloche sonna et elle partit.

    Aelita se mit à marcher dans les couloirs, deux longues heures la séparant de son cours de littérature. Elle commença à aller vers la plage lorsqu'elle fut arrêtée par son professeur de littérature :

     

    "-Mademoiselle Skye, je dois vous annoncer quelque chose !

    -Faîtes, faîtes, répliqua l'intéressée.

    -Je vais, tout à l'heure, assister au débat d'entrée d'un nouvel élève, je ne pourrais pas assurer mon cours.

    -Bien, merci. À demain, monsieur.

    -Hé, attendez, mademoiselle Skye, je dois vous parler de...."

     

    Trop tard, Aelita était déjà partie. Elle se rua à la salle de musique et se mit à réfléchir : Un débat d'entrée.... véritable tradition de son lycée, le débat était une réunion entre un nouvel élève et ses professeurs, il permettait de voir à qui chacun aurait affaire, et Aelita appréciait ce concept.

     

    Tant mieux pour le nouveau, elle, devait jouer pour sa mère.

    Abandonnant son idée d'aller à la plage, pour la première fois depuis quelques années, elle à la salle de piano. Aelita s'installa, regarda le jeune homme qui était déjà installé, remarqua à son air perdu qu'il était en seconde, l'observa quelques secondes pendant qu'il jouait de la guitare, puis, s'assit au piano et joua la lettre à Élise.

    Devant tant de dextérité, le garçon la dévisagea, applaudit quelques secondes à la fin du morceau, et se mit rapidement à pleurer lorsqu'Aelita improvisa quelques notes. "Un de plus qui tombe, remarqua un des deux professeurs de musique qui passait par là. Ce n'est pas le premier, et sûrement pas le dernier !"

     

    Aelita termina son morceau et rentra chez elle. Sans son cours de littérature, elle était libre. Elle prit alors le chemin du retour, observant la ville au passage : Qu'est-ce qu'elle était joyeuse, cette ville, lorsque le soir arrivait, et que les vagues se calmaient.... la jeune fille ne s'attarda pas.

    La jeune fille rentra chez elle, et malgré le fait que sa mère ne lui soit pas sortie de la tête, le retour à la réalité fut brutal : cela faisait dix ans aujourd'hui. C'était tellement subtil à comprendre, tellement bien placé, une douce mélancolie s'installa alors tranquillement en elle. Elle se pencha vers une photographie de sa mère et se mit à pleurer. Aelita la mystérieuse fille aux doux yeux et à la peau fantomatique se mit à sombrer, lentement d'abord, puis violement. La jeune fille alla alors dans son jardin de derrière, prit alors une rose, garda uniquement les pétales, et, de la manière dont elle se rappelait que sa mère le faisait, disposa les pétales autour d'un encens. Aussi loin qu'elle remontait dans ses souvenirs, elle voyait sa mère faire brûler des encens avec des fleurs. "Ça me calme." disait-elle...

     

    "-Aelita, ma chérie, où es-tu ?

    -Papa ? Aelita comprit que son père était rentré. Je suis là.

    -Mon bébé, mon trésor, comment s'est passée ta journée ?

    -Piano, maman, cours, maman, piano, maman. Comme d'habitude mais ça tu le sais si bien...

    -Ça fait beaucoup de piano, tu sais... ta mère n'aurait sûrement pas approuvé que tu en fasses autant, tu ne fais que ça..."

     

    Aelita, pour Dieu sait quelle raison, déversa une partie de sa tristesse sur son père :

     

    "-Elle est morte, papa ! C'est trop tard pour qu'elle vienne me gronder, tu comprends ? Ne parles pas d'elle comme celle qui m'aurait grondée. Je ne veux plus t'entendre parler de maman, tu... tu me fais de la peine à chaque fois ! Papa ! Papa !?! Te rends-tu compte du mal que tu me fais ? Moi, je sais à quel point je peux te faire souffrir, mais je n'arrive pas à faire autrement. Papa, ne n'en peux plus !"

     

    Sur ces paroles de détresse, Aelita monta dans sa chambre.

    Là, elle tomba lourdement sur son lit, ravala ses larmes, mais se remit à pleurer de plus belle... À quoi bon garder le sourire lorsque la personne que vous aimez le plus n'est plus là pour regarder ? 

    Aelita alluma son téléphone. Elle avait reçu un nouveau message. 

    "Comme c'est étrange, pensa-elle, que peut bien me vouloir le lycée ?"

    Elle ne tarda pas à le savoir : 

     

    "Mademoiselle Skye, comme vous le savez sûrement, votre classe accueillera dès lundi un nouvel élève et nous avons regardé dans notre base de données pourvoirr qui pourrait l'aider à son arrivée. Nous avons pensé à vous. Merci de renvoyer votre réponse avant dimanche soir auquel cas vous ne pourriez pas devenir le "tuteur" de cet élève. Bien à vous, 

    Marysa Stone, la secrétaire."

     

    Aelita n'en croyait pas ses yeux : pourquoi prenaient-ils le risque de lui confier un élève, il finirait sûrement en larme et elle, aurait été inutile !

    Soit, pour la première fois depuis longtemps, la jeune femme aaccepta de faire un geste pour quelqu'un d'autre que sa mère.

    Ayant décidé de répondre par l'affirmative, Aelita entra sa réponse :

     

    "Si il arrive à tenir, je serai ravie de l'accueillir." La secrétaire allait être étonnée. Elle n'aurait jamais pensé qu'Aelita puisse dire oui.

    Cet élève était décidément, sans le vouloir, en train de permettre à un miracle de se réaliser. Réalisant alors la dureté des paroles qu'elle avait adressé à son père, elle alla s'excuser, emplie d'une joie nouvelle, oui de la joie. Jamais Aelita n'avait ressenti cela depuis que sa mère était partie.

     

    Ce soir là, Aelita se coucha tranquillement : il restait le dimanche à tenir et elle verrait enfin ce nouvel élève qui semblait décidé à la changer.

    Enfin légère, elle posa sa tête sur son oreiller, et sombra dans un profond sommeil. Sa vie allait changer, elle en était sûre.


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    "Aelita est une jeune fille vivant seule avec son père, et dont la seule occupation est de jouer du piano en mémoire de sa défunte mère. Seulement, ce samedi là, la secrétaire lui confie la "garde" d'un nouvel élève. Il n'est pas encore arrivé mais Aelita sent que son arrivée va radicalement changer sa vie ; elle l'attend de pier ferme."

     

    Aelita se leva rapidement : comme son dimanche lui avait semblé long ! Elle allait donc rencontrer son inconnu, celui qui l'avait tenu en haleine, celui qui, elle le savait, la changerait. Elle alluma promptement sob téléphone et aperçut que la secrétaire avait répondu à son précédent message : " "Il", est Aurélien, vous le retrouverez en salle 106. Salutations."

    Bref, une missive courte, mais qui apportait beaucoup à Aelita. Elle connaissait son nom, et cela lui suffisait.

     

    Elle descendit dans la cuisine saluer son père et se mit très vite à aller au piano. Et là, surprise ! Elle décida d'improviser de manière diffèrente. Elle se surprit elle-Même et arriva surtout à décrocher une larme à son père. Elle ne sut retenir que les mots : "Ça y est, tu vis, ma fille !"

     

    Aelita fut vite rattrapée par le temps, et se résolut à partir au lycée. Le chemin, sur le coup de l'impatience sûrement, lui sembla étonnamment long. Elle vit défiler les arbres, la plage, et aperçu enfin son lycée.

    Le temps était enfin venu pour la jeune fille de rencontrer Aurélien. Elle tremblait, ne se sentait plus elle-même, et eut peur de ne pas paraître naturelle. Elle se calma comme elle put et se mit à attendre. La salle 106 se trouvait juste à côté d'elle. Elle regarda sa montre : elle était en avance.

     

    Enfin, après un dernier instant, elle vit le jeune homme tant attendu arriver.

    C'en était trop d'un coup, son cœur battait à tout rompre. Le moment recherché était arrivé. Aelita laissa échapper une larme.

     

    Le jeune homme la salua : elle en resta muette : le jeune homme lui ressemblait, trait pour trait, avait ce même air mélancolique, mais excité à l'idée de voir sa vie basculer. Il avait de magnifiques cheveux blonds à peine plus clair que les siens, de beaux yeux bleu clair et un sourire mi-triste mi-absent. 

     

    Les autres élèves le regardaient en se moquant de lui, mais Aurélien avait l'air de ne plus le remarquer depuis qu'il avait vu Aelita. Cette dernière crut voir quelque chose de sombre et d'écarlate sur son bras mais finit par croire à une illusion d'optique. Le jeune homme entama la conversation :

     

    "-Hum.. alors, je suis..

    -Aurélien, termina Aelita. Et moi, je suis..

    -Aelita. Je suis ravi de te rencontrer, mais je n'aurai pas pu imaginé que nous serions si "identiques"..

    -Effectivement, alors, je suis désolée de paraître brutale, mais je pense que tu me comprends, j'ai l'impression que... nous sommes pareils..

    -Je voulais le dire, tu sais !

    -Et si nous sommes identiques, continua-elle, la salle 106 va te plaire, c'est une salle de musique. Tu joues d'un instrument ?

    -Euh, bien, oui, du violoncelle. Et toi?

    -Je joue du piano. Tu veux entrer, à force, c'est devenu mon "repaire".

    -Volontiers, j'en serai ravi. Excuse moi, mais... tu me sembles différente, différente de toutes les filles que j'ai déjà vu. Non, tu n'es pas une fille, tu es une femme.

    -Merci, rougit-elle, mais trêve de compliments, nous ferions mieux d'entrer et de jouer un peu avant d'aller en cours. Nous commençons par philosophie.

    -Bien, je suis prêt, Aelita."

     

    Aurélien fit un pas hésitant dans la salle de musique, esquissa un mouvement vers le piano comme s'il semblait attendre Aelita. La jeune fille comprit : il voulait entendre la preuve qu'ils étaient pareils, qu'ils étaient ensemble sur le même chemin, quitte à en avoir le cœur déchiré. Comme tout allait si vite ! Aelita s'assit au piano et joua son éternelle lettre à Élise, se lança sur les touches, et, comme par miracle, Aurélien s'effondra mais résista à l'enivrante mélodie de la jeune fille, et cette dernière en fut abasourdie : alors comme cela, ses accords avaient leurs limites....

     

    Aurélien ravala une larme, et se mit à chercher parmi les nombreux instruments de la salle, et finit par sortir un vieux violoncelle en bois de rose et lança un regard inquisiteur à Aelita. L'intéressée comprit rapidement le message mais le jeune homme le lui donna quand même :

     

    "-Aelita, je veux jouer avec toi."

     

    Soit, elle recommença sa mélodie chérie, et Aurélien l'imita : il jouait divinement bien, et réussit enfin à briser la carapace d'Aelita. La jeune fille se crut dans un rêve éveillé : comment avait-il pu ? Si seulement elle avait su comprendre que le jeune homme était exactement en train de se dire la même chose, mot pour mot ! La musique faisait était miraculeuse, mais paraissait cette fois-ci beaucoup plus joyeuse. Les élèves, attirés un par un, venait écouter cette mélodie divine, observaient la "résurrection" d'Aelita : elle était radieuse, si radieuse !

     

    Enfin, dans un dernier et sublime accord, le morceau se termina, vibrant et résonnant encore d'émotions auxquels les élèves n'auraient jamais pu se préparer. Aurélien, comme si de rien n'était, rangea le violoncelle, et se mit à regarder son bras : Aelita ne put rien voir, mais remarqua que le visage du jeune garçon se referme à l'instant même où son regard se détacha de la jeune femme. La passion la submergeait. Jusqu'où irait-elle ?

    Comment peut-on apprécier autant quelqu'un que l'on à peine ? Aelita ne savait pas. Elle savait juste que toute la froideur qu'elle avait gardé en elle durant plus de dix ans était en train de partir d'elle, et elle n'aurait jamais pu l'espérer. La cloche de l'école aurait beau sonner autant qu'elle voudrait, la jeune fille n'entendra que les vibrations du violoncelle d'Aurélien. Comme c'était agréable de discuter avec quelqu'un, comme il était sensé d'être insensé ! Un million de pensées volaient dans la tête d'Aelita, et la jeune fille décida de lee écouter. 

     

    La jeune fille se rendit alors compte de quelque chose d'important : lorsque sa mère est partie, Aelita pleurait plus les moments passés que sa mère elle-même, et conclut que sa mère devait rester dans son cœur, pas dans sa vie, il fallait oublier l'inoubliable, il fallait effacer les marques les plus indélébiles, Aelita sut alors que le manque n'était pas de la perte.

     

    Des milliards d'étincelles flamboyantes se bousculaient dans sa tête, elle ne savait plus lesquelles écouter : où était la vérité, ou se cachait le mensonge, était-elle en train de rêver ? Jamais elle ne le saurait.

     

    La cloche sonna, et mit fin aux effusions de pensées de la jeune fille, et en jetant un rapide coup d'oeil au tableau numérique à la sortie de la salle de musique, elle remarqua que son cours actuel avait été remplacé en raison, pensa-elle, "d'une sortie avec les terminales". Elle ne chercha pas plus loin, prit la main d'Aurélien qui était encore un peu perdu, et lui indiqua le numéro de la salle où allait se tenir le prochain cours, en l'occurrence "production écrite poétique", une toute nouvelle option réservée à l'écriture, matière qu'Aelita appréciait tout particulièrement. Aelita sortit en avance son carnet et son bloc-note, et se dirigea vers la salle, manquant de renverser quelques élèves au passage ; le cours se déroulait à l'autre moitié du bâtiment, elle avait peur d'arriver en retard, si bien qu'Aurélien eut toutes les peines du monde à la suivre. Aelita vit les salles défiler les salles rapidement, si bien qu'elle arriva rapidement à son cours, fatiguée.

     

    Aelita toqua, entra et s'assit à sa place habituelle, au premier rang. Elle invita Aurélien à se placer à côté d'elle, ce que l'adolescent accepta avec plaisir. Madame Nolan, une élégante femme, petite et aux cheveux d'un blond cuivré entra dans la classe de Madame Svetlana, la professeur d'écriture. Madame Nolan était la conseillère prioritaire d'éducation, et sa venue était forcément survenue à cause d'Aurélien, Aelita en était sûre.

    Elle avait touché dans le mille, car la grande dame commença de sa voie basse et douce :

     

    "-Mes chers enfants, je vous demande aujourd'hui d'accueillir votre nouveau camarade Aurélien, et de lui donner la meilleure image possible de notre établissement, et, d'être amicaux avec lui. Je ne vous retarde pas plus, ajouta celle-ci à Madame Svetlana."

     

    "-Bien, commença la professeur, nous allons aujourd'hui étudier les textes de notre nouveau compagnon Aurélien. Aurélien, puis-je voir votre carnet s'il vous plaît ?

    -Bien évidemment, Madame, il se trouve, hum, juste ici."

     

    Aurélien tendit un petit carnet noir très sobre, et la professeur se mit à feuilleter, à choisir les textes qu'elle allait lire à la classe, et dès la première page du carnet, jeta un regard curieux intrigué à Aelita et Aurélien, puis soupira : "On dirait le même style d'écriture qu'Aelita !"

    La jeune femme, enfin décidée, regarda la classe et annonça :

     

    "-Bien, votre nouvel ami possède un style que nous connaissons déjà, puisque ses écrits sont semblables à ceux d'Aelita. Seulement, je dois avouer que moi-même je ne comprends pas toujours certaines tournures, et je pense que vous avez tous le même problème que moi, enfin, sauf vous deux, ajouta-elle à Aurélien et Aelita, et je ne pense pas me tromper.

    Bref, écoutez bien, car je vais commencer ma lecture. N'oubliez pas de prendre des notes !"

     

    La jeune femme se mit à lire :

     

    "                    " Sweet delight

    Les étoiles vont révéler,

    Le doux destin si insistant,

    L'espace d'un instant doré,

    L'épave d'un blond chatoyant.

     

    Suffocant dans l'atmosphère,

    La douce lumière persiste,

    Je me surprends car j'espère,

    Grâce aux mots je résiste,

     

    Constellations et voie lactée,

    Le spectacle grandiloquant,

    Ma peau, doucement caressée,

    Se met à rêver du printemps."

     

    -Je dois avouer, jeune homme, que je suis plutôt impressionnée. Ai-je ton accord pour lire un deuxième texte ?

    -Oui, je suis entièrement d'accord, répliqua l'intéressé, je vous en prie !

    -Très bien, je dois juste vous avouer d'abord, que je vois rarement des textes comme ceux-là. J'aime beaucoup votre façon troublante et unique d'écrire et je trouve votre plume légère et agréable.

    Je ne vais pas m'éterniser,mais je veux quand même vous répéter que j'adore ce texte.

    -Je vous remercie, Madame. Allez donc-y, je suis impatient de voir quel texte vous allez choisir cette fois-ci, ajouta Aurélien dans un sourire mélangeant fierté et timidité.

    -Je ne vais pas me gêne, alors... bon, pas celui-là, celui-ci ? Non !

    Je préfèrerai quelque chose comme... cela ? Trop subtil... et... cela ?

    Oui ! La jeune femme se remit à lire :

     

    "           Cold

    Mon souffle est pris et à jamais envolé,

    L'unique perle qui me maintenait en vie,

    Larme divine de nos baisers volés,

    Le monde sombre mais je garde la magie.

     

    J'ai espéré, et je me suis pris à rêver,

    Dans l'aurore, le miracle se produisit,

    J'ai enfin pu voir le passé se dépasser,

    Dans ce doux rêve sibyllin, la nostalgie.

     

    Le repos trouvé et la journée terminée,

    J'observe ton visage, je le vois ravi,

    Et je m'approche pour enfin te chuchoter :

     

    "La plaie infinie de mon Coeur s'est apaisée,

    Et je me retrouve à toi, mon Paradis,

    J'efface à jamais les ombres brisées."

     

    Et pour finalement te raconter,

    Je t'aime."

     

    La salle, le souffle coupé, observait silencieusement le jeune homme :

    Qu'il était calme, qu'il était doué ! Jamais, ils n'avaient vu de pareil élève.

     

    La cloche rompit le silence, et les élèves, toujours abasourdis, sortirent. Aelita rattrapa Aurélien, lui pressa la main, et lui sourit, comme pour dire "bien joué". Et pour avoir bien joué, il avait bien joué ! Tout semblait possible, décidément. Aurélien sourit, l'air perdu, tira sur sa manche gauche, et les deux amis se remirent à marcher. 

    Le temps passa vite, et l'heure des adieux arriva finalement. De mélancoliques soupirs se melèrent à un "au revoir, à demain", et les deux adolescents reprirent chacun la route de leurs demeures respectives, mais le destin voulut que les séparations n'eurent jamais lieu. Aelita comprit en regardant le jeune garçon sur le trottoir d'en face qu'Aurélien était son nouveau voisin. Quelle admirable coïncidence ! Les deux amis, le cœur léger, partirent chacun de leurs côtés et rentrèrent chez eux.

     

    Leurs destins n'auraient su faire mieux.


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  • "Aurélien, jeune homme mélancolique, et copie conforme d'Aelita, arrive au lycée de Merlimont. La jeune fille ne s'attendait qu'à un simple étudiant, mais la réalité en fut tout autre : Aurélien... résistait quand elle jouait du piano ! D'ordinaire, le son ruisselant d'émotion de ses mélodies pouvait en décourager plus d'un. Qu'il en soit ainsi, sa vie allait changer. Elle allait quitter son nid de tristesse, et, premièrement, en avait été déstabilisée. Ce soir-là, elle s'était résignée ; l'esprit de sa mère la poussait vers le haut."

     

    Aelita entra dans la maison, et se dirigea vers son père : 

     

    "-Bonjour Papa ! Déjà rentré du travail ?

    -Bonsoir, mon ange. Oui, je viens de rentrer il y a dix minutes à peine. Tout va bien ? Tu me sembles... différente !

    -Oh, Papa, si tu savais ! Tu vois, ce nouveau, Aurélien ? Et bien, le courant est très bien passé ! Je n'aurai jamais cru que j'aurai pu penser à autre chose qu'à... maman, avoua la fille, dans un murmure.

    -Je n'aurai jamais pu y penser aussi.... tu sais, pendant un long moment, j'ai pensé que.... que tu allais rester sur ça...

    -Je... je...

    -Oh, oublie ! Je n'aurai jamais dû te dire ça ! Allez, file faire tes devoirs, mon cœur, nous soupons dans une bonne heure. Ah, au fait, nous avons du monde à manger ce soir, j'ai invité les nouveau voisins, d'ailleurs, les connais-tu ?

    -Aurélien !

    -Comment donc, "Aurélien" ?

    -C'est le fils des voisins !

    -Comme c'est adorable ! Tu vas donc rencontrer aussi Honey, elle est la mère de Aurélien, je l'ai aperçue tout à l'heure, et je dois avouer qu'elle a l'air très gentille !

    -Je vais faire mes devoirs, et je file me changer, fit Aelita.

     

    -Te changer ? Pourquoi donc ?

    -Tu verras bien ! J'ai une tenue à essayer."

     

    Xavier observa sa fille : une tenue ? À essayer ? Aelita n'avait jamais manifesté le moindre engouement pour les vêtements ! Sa fille lui réservait décidément de drôles de surprises ! 

     

    Aelita monta dans sa chambre, jeta promptement son sac près de son bureau et s'installa sur sa chaise. Elle ouvrit rapidement sa trousse et commença immédiatement ses devoirs : littérature : elle commença le texte que leur avait donné leur professeure, et philosophie, où elle termina de rédiger son essai sur le changement. "Quelle drôle de coïncidence, pensa-elle." 

     

    Une fois son essai terminé, l'adolescente se dirigea vers la salle de bain, déposa une serviette sur le chauffe-serviette, et alla dans la chambre de son père. Elle se dirige sur l'ancienne armoire de sa mère, et commença à fouiller, comme si sa vie en dépendait. Elle trouva finalement ce qu'elle cherchait, et, cachant se qu'elle avait dans les mains, retourna dans la salle de bain. 

    Elle se déshabilla et entra dans la douche. Le plaisir de l'eau chaude sur sa peau lui procura un bien-être fou. Le bruit paisible de l'eau l'apaisa. Elle sortit, en guise de savon, une crème à la rose qu'utilisait souvent sa mère. Une fois cette étape terminée, elle profita un dernier instant de sa douche régénératrice et sortit de la cabine de douche. 

    Aelita se passa alors une crème hydratante au lys musqué, et, finalement, s'habilla.

     

    Aelita entendit la sonnette résonne, et aperçu Aurélien, vêtu d'une jolie chemise noire sobre, ainsi que d'un pantalon de costume. Sa mère, Honey, d'après son père, était revêtue d'une admirable robe blanche. Ses cheveux noirs descendaient jusqu'à ses épaules. Elle affichait un sourire forcé.

    Ses beau yeux verts scintillant tels des émeraudes lui parurent magnifiques. Elle entendit alors son père entamer la conversation :

     

    "-Madame DelaRobia, quel plaisir de vous voir ! Cette robe vous va à ravir !

    Oh, et ce doit être Aurélien ! Aelita m'a quelque peu parlé de toi, dit son père en serrant vigoureusement la mais du jeune homme.

    -Bonsoir, monsieur Skye, dit poliment Aurélien. Malheureusement, Aelita ne m'a pas encore parlé de vous, mais je vais vous laisser le faire à sa place, ajouta-il dans un sourire.

    -Bien, nous avons toute notre soirée ! Tiens, voilà Aeli... son père ne put terminer sa phrase."

     

    Aelita descendait les escaliers, vêtue de la longue robe noire de sa défunte mère, une rose blanche dans les cheveux. La jeune fille rayonnait, et son père le sentait bien. Elle ressemblait tellement à sa mère, qu'un instant, son père crut voir sa chère et tendre. La robe noire était parsemée de milliers de perles argentées, faisant ressortir le noir profond du tissu. Cette robe, Xavier ne s'en rappelait que trop bien : ce vêtement, si spécial, c'est lui qui l'avait offert à sa mère, le jour même de son décès. Aelita faisait revivre le passé, et son père ne put s'empêcher de verser une larme. 

    Honey DelaRobia regardait Aelita, médusée : Qu'elle était belle ! Qu'elle semblait vivante dans cette tenue. Bien évidemment, elle observa la réaction de son fils. Il resemblait réellement à un Roméo, à un jeune garçon piégé par la jeune fille. Mais connaissant son fils, elle savait que cette jeune fille devait cacher quelques secrets plus lourds, auquel cas Aurélien ne lui aurait rien trouvé de spécial.

     

    "-Bonsoir, Madame DelaRobia, Aurélien, salua respectueusement les deux invités. Tu es magnifique, Aurélien.

    -Bonsoir, Aelita, dit Honey.

    -Tu es... vraiment jolie, là dedans !

    -Merci, tu es également très distingué. Qu'en pense-tu, papa ?

     

    -J'en pense que tu es ravissante, ma fille. Tu me fais tellement penser à ta mère... bien, suivez-moi, Honey, Aurélien, je vais vous emmener dans la salle à manger. 

    -Doux Jésus, qu'est-ce que c'est beau, lança Honey, abasourdie par les lieux.

    -C'est Élise qui a fait la décoration. Oh, Élise est... ma femme, précisa-il.

    -Où est-elle donc, Xavier ? 

    -Et bien, elle est... enfin, elle.... elle est partie.

    -Oh, excusez-moi ! Je ne pensais pas à mal !

    -Ne vous inquiétez pas, Honey, ce sont des choses qui arrivent ! Bien, installez vous !"

     

    Les jeunes gens s'installèrent à table, et Xavier ramena alors l'apéritif. Aelita était placée à côté d'Aurélien, pour le plus grand plaisir de son père.

    L'apéritif ne concernant pas les deux adolescents, les deux jeunes gens commencèrent à discuter de littérature, ou bien encore de philosophie.

    Les deux adultes leur jetaient de temps en temps, des regards intéressés, impressionnés par la conversation des deux jeune gens. Les deux discutaient de musique, et plus particulièrement du Bolero de Raven, lorsque Xavier alla chercher l'entrée. Il revint quelques instants plus tard, chargé d'assiettes en porcelaine, avec, comme plat, une superbe salade vosgienne, que les deux invités regardèrent avec intérêt. La plat était délicieux. Le repas se poursuivit avec un splendide rôti de bœuf, accompagné de pommes sautées. Le dessert, quant à lui, était une délicieuse tarte aux pommes accompagnée de glace à la vanille.

     

    Outre ce splendide repas, les deux jeunes amis eurent beaucoup de temps pour parler. Il était clair que le courant n'aurait pas pu pieux passer.

    Les deux parents semblaient très contents. C'est ainsi que le repas s'acheva tranquillement.

     

    Une fois le dessert achevé, les deux adolescents montèrent dans la chambre d'Aelita. La décoration de la pièce, sobre mais claire, sembla hypnotiser Aurélien.

     

    "-Tu as beaucoup de goût, Aelita.

    -Tu trouves vraiment ?

    -Oui ! J'adore la manière dont tu as disposé tes meubles. Et quel magnifique lit !

    -C'est vrai que l'on y dort bien..

    -Bon, je vais aller à l'essentiel. Aelita retint son souffle.

    -p..Pardon ?

    -Tu m'as bien compris. Pourquoi ? Pourquoi tu as mal comme ça ?

    -Je... j'ai... mal ? balbutia la jeune fille.

    -Oui, tu as mal ! Ça se voit Aelita. Je t'ai observée, lorsque nous rentrions chez nous. Tu avais l'air triste, très triste. Pourquoi te cache-tu comme celà ?

    -Je... ne me cache pas ! À part toi, tout le monde sait pour ma mère !

    -Ça, j'avais compris, mais... pourquoi rester cachée ? 

    -Je... je ne suis pas cachée ! Je suis juste... effacée..

    -Effacée ? D'après les deux ou trois élèves de la classe auxquels j'ai parlé, tu es bien plus que ça !

    -Je n'arrive pas, je pense tout le temps à ma mère, à part.... quand je suis....

    -Quand tu es ? Elle laissa échapper un sanglot.

    -À part quand je suis avec toi.

    -Je... Aelita... je....

    -Aurélien ?

    -Oui, je veux dire, enfin, oui ?

    -Je peux les voir ?

    -Pourquoi mes bras, demanda-il, intrigué.

    -Parce que tu les caches sans arrêt !

    -Oh, ce n'est rien !

    -Comment ça ? Tu viens de me faire passer un interrogatoire et tu refuses à une simple question ?

    -Aelita, c'est plus compliqué que ça....

    -Pourquoi ? Je me suis confiée à toi ! Je t'ai fait confiance, pour la première fois depuis dix longues années ! Je.... tu... me fais confiance ?

    -Oui, je te fais confiance. Tu sais, moi, c'est mon père, qui est parti. Le violoncelle est la seule chose dont j'ai pu hériter. Je suis... comme toi, c'est pour cela que j'ai pu résister, tout à l'heure, au son du piano. J'imagine que le clavecin dans ton salon était celui de ta mère....

    -Oui, mais... ne t'échappe pas.

    -Bon, tu es très têtue, tu as gagné."

     

    Le jeune garçon se mit alors à parler d'une voix mélancolique :

     

    "Mon père est mort il y a cinq ans. Nous étions très complices, lui et moi. Il était violoncelliste professionnel et écrivait à temps partiel. Il disait souvent que j'avais hérité de lui. Tout allait bien pour nous trois, jusqu'à ce qu'un jour, mon père, pendant un concert, s'effondre dans la salle. Nous l'avons alors transporté à l'hôpital, et là, j'ai eu le droit à une véritable douche froide : Depuis quelques mois, mon père développait une tumeur aux poumons. Il le savait, mais avait fait le nécessaire pour que personne ne le remarque. Lorsqu'il avait de grandes quaintes de toux, il trouvait toujours un prétexte. Il disait souvent qu'il voulait partir d'un coup, entouré des choses qu'il aimait le plus : la musique, et sa famille. Depuis ce soir, le ciel nocturne a gagné une étoile.

    Alors, je n'ai pu garder que son instrument, et son souvenir. Je me suis fermé aux autres, j'ai commencé à être harcelé, et, rapidement, je n'ai plus pu supporter. J'ai essayé, à deux reprises, d'en finir, mais non seulement je n'ai pas réussi, mais en plus, personne n'a su remarquer mes appels au secours. Ça me fait mal d'être obligé à avoir mal... tu sais, je.... je me suis... tailladé les bras juste avant de te rencontrer.."

     

    "-Aurélien ! Aurélien, regarde moi ! Je n'ai jamais essayé, ou ne serait-ce qu'imaginé de telles choses ! Regarde moi, s'il te plaît ! On est dans le même bateau, toi et moi, et maintenant que l'on se connait, on va pouvoir lutter ensemble ! Crois moi, on va leur montrer, que nous ne sommes pas que des reflets du passé.

    -Mais, ne t'ai dit ce que j'ai fait, maintenant je dois le prouver."

                                                          

    Aurélien tira sur ses manches, et, désolé, montra ses bras à Aelita : constellés de marques rouge sang, écarlates, Aelita ne peut s'empêcher de lâcher un petit cri d'effroi. 

     

    "-Aurélien, tu n'as jamais fait ça, tu... je dois halluciner, non, ce n'est pas..

    - C'est une réalité, Aelita, tout ça est on ne peut plus réel. J'ai eu la haine dans mon sang, et maintenant, je veux m'en sortir.

    -Nous nous en sortirons...

    -Aelita, je suis si fatigué....."

     

    Aurélien s'écroula dans les bras de la jeune fille, et le premier réflexe de cette dernière fut de lui prendre les mains. Ils étaient à présent l'un contre l'autre. Aurélien approcha son visage de celui de son amie, et lui chuchota des phrases de douleurs et de peines. Ils étaient de plus en plus proches, de plus ensemble, lorsque dans un dernier effort avant les hurlements de douleurs et de tristesse, ils s'embrassèrent, d'abord doucement, puis d'un seul coup fougueusement, comme si la puissance de leur baiser pourraut suffir à les maintenir en vie. Aurélien avait encore mal, Aelita le sentait. Elle ne résisterait pas longtemps avant d'être obliger de lui parler. Le son de sa voix lui manquait déjà, puis, elle se posa des questions ; leur union semblait à présent inévitable : il le fallait.

    Elle se stoppa net, réclamant des mots d'amour, et, langoureusement, s'allongea sur son lit, dans les bras du jeune homme.


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